ALASKA

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Vaste péninsule d’un million et demi de kilomètres carrés située à l’extrémité nord-ouest du continent nord-américain, l’Alaska surprend par sa diversité. Ce n’est pas entièrement la terre arctique que l’on imagine souvent. Dans son extension sud-nord maximale, du 51e au 71e degré de latitude nord, les contrastes sont grands entre les régions méridionales maritimes, toujours fraîches et très humides, le centre continental qui connaît de grands écarts de température, et la zone polaire froide et aride.

Porte d’entrée la plus ancienne du Nouveau Monde, l’Alaska a été le lieu de passage de migrations venues d’Asie pendant plusieurs dizaines de millénaires. Les peuples autochtones font partie de deux grands groupes: Eskimos-Aléoutes et Indiens. Plus d’un siècle après l’avoir découvert et colonisé, les Russes ont vendu l’Alaska aux États-Unis en 1867. Il est devenu le quarante-neuvième État de l’Union en 1959. L’expansion socio-économique s’est réalisée par à-coups: au commerce de la fourrure, puis aux ruées vers l’or, ont succédé une période d’investissements militaires et enfin l’exploitation de gisements pétrolifères. L’enjeu le plus important demeure celui d’un équilibre à trouver entre le développement des ressources et la préservation des modes de vie ainsi que de l’environnement.

1. Relief et régions naturelles

L’Alaska, d’une superficie de 1 518 769 km2 (presque trois fois celle de la France), est entouré d’eau de trois côtés: au nord, la mer de Beaufort et l’océan Arctique; à l’ouest, la mer des Tchouktches et la mer de Béring; au sud, le golfe d’Alaska et l’océan Pacifique. Îles et fjords compris, la longueur des côtes atteint 54 000 km, soit plus d’une fois et demie le littoral du reste des États-Unis. À l’est, la frontière avec le Canada s’étend sur 2 470 km, dont environ 1 050 km en ligne droite vers le nord à partir du mont Saint Elias. La cordillère qui traverse tout le continent américain décrit un vaste arc de cercle dans le sud de l’Alaska; elle est prolongée par la chaîne des Aléoutiennes. Au nord du cercle polaire, la chaîne de Brooks sépare les régions centrales des plaines arctiques. Le relief prononcé détermine des régions naturelles et des zones climatiques fort diverses.

Sud-Est

Au sud-est, la bande de terre large de 40 à 80 km, longue de 900 km environ, est très montagneuse. De hauts sommets séparent cette région appelée le Panhandle du Canada. La côte est découpée de profonds fjords. Les précipitations abondantes sont responsables, avec les gigantesques glaciers, d’une forte érosion. Le mont Saint Elias, point le plus élevé de la région, s’élève, tout près de la mer, à 5 489 m. Serré contre la côte s’étend un archipel d’un millier d’îles, dont certaines atteignent une taille considérable.

Plus de 70 p. 100 du Sud-Est est recouvert de forêts de conifères et d’un sous-bois dense qui abrite des cerfs, des ours et de nombreux petits mammifères.

Centre-Sud

La région du Centre-Sud est circonscrite par l’arc que forme la chaîne d’Alaska, qui relie les montagnes du Sud-Est à la chaîne des Aléoutiennes. C’est vers le milieu de cet arc que s’élève le mont McKinley que les Alaskiens préfèrent désigner par son nom indien, Denali, point culminant de l’Amérique du Nord, à 6 194 m. Le golfe d’Alaska est bordé par les monts Chugach et Kenai, qui sont recouverts de glaciers. Les bassins encadrés par ces reliefs jouissent d’un climat relativement tempéré; une grande partie de la population de l’Alaska s’y concentre. L’île Kodiak, au sud du golfe de Cook, est la plus grande de l’Alaska (9 300 km2). Les paysages du Centre-Sud sont variés; le climat passe d’une humidité extrême en bord de mer à une relative sécheresse dès qu’on s’éloigne des côtes.

La faune reflète cette variété: ours, cerfs, caribous, élans, chèvres de montagne, loups et quantité de petits mammifères à fourrure parcourent cette région. Les aigles et d’autres rapaces sont communs, ainsi que beaucoup d’espèces d’oiseaux aquatiques. Les eaux du golfe sont très riches en crustacés, saumons, truites, harengs, cabillauds. On y trouve aussi des baleines.

Chaîne et îles aléoutiennes

Dans le prolongement de la chaîne d’Alaska, la très longue chaîne des Aléoutiennes est de nature essentiellement volcanique. Elle forme d’abord la péninsule d’Alaska, puis s’engloutit dans l’océan. Les îles Aléoutiennes, qui séparent l’océan Pacifique de la mer de Béring, en sont les sommets émergés. Sur son versant sud, le chapelet d’îles, long de plus de 2 000 km, est bordé par une profonde fosse sous-marine. Ainsi, le volcan Shishaldin, sur l’île Unimak, culmine à 2 857 m, mais il s’élève de 9 900 m depuis le fond de l’océan. Les éruptions volcaniques et tremblements de terre, ainsi que les glissements de terrain et raz-de-marée qu’ils occasionnent sont fréquents.

Les mammifères qui habitent actuellement les îles y ont été introduits par l’homme. On dénombre, en outre, près de deux cents espèces d’oiseaux, et vingt-trois espèces de mammifères marins, dont treize de baleines.

Intérieur

Entre la chaîne de Brooks au nord et celle d’Alaska au sud s’étend une vaste zone de plaines et de massifs tabulaires. Elle est traversée d’est en ouest par le Yukon, fleuve puissant qui prend sa source au Canada et reçoit les eaux de nombreux affluents. Les rivières de l’intérieur serpentent et s’étalent dans de larges plaines marécageuses appelées flats .

La faune est abondante et variée, comprenant de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs. Le parc national Denali-mont McKinley est l’attraction touristique principale de l’Alaska; par contre, le parc de Yukon Flats, administré comme un refuge pour la faune, constitue un habitat protégé vital pour quantité d’oiseaux aquatiques. Les plus grands mammifères qui parcourent l’intérieur sont l’ours noir et l’ours grizzly, l’élan, le caribou et le loup.

Mer de Béring

Le littoral de la mer de Béring, très éventé, est aussi plus humide que les régions centrales. L’immense delta formé par le Yukon et la Kuskokwim (300 km de côté), fertile et marécageux, abrite une faune abondante. Il est encadré par des collines recouvertes de toundra. Ce type de végétation caractérise aussi les îles de la mer de Béring, qui sont entourées par la banquise en hiver. Les îles Pribilof sont connues pour leur population de phoques à fourrure. Le détroit de Béring qui sépare l’Asie de l’Amérique est large de 80 km environ. En son milieu se trouvent les deux petites îles Diomède: l’une appartient aux États-Unis; l’autre, distante de 5 km seulement, est russe.

Arctique

Au nord du cercle polaire, la chaîne de Brooks, massive et peu élevée, s’étend sur 1 000 km environ, de la frontière canadienne à la mer des Tchouktches. Les altitudes moyennes sont de l’ordre de 1 500 m, quoique la chaîne culmine près de la frontière canadienne à plus de 2 700 m. Peu de glaciers subsistent, mais le relief témoigne de glaciations anciennes. Le versant nord des monts Brooks est prolongé par des collines d’altitude décroissante qui aboutissent à une plaine s’étendant jusqu’au rivage arctique. Toute cette région est appelée North Slope ou Artic Slope. Le climat est froid et aride, et le sol gelé sur une profondeur de plusieurs centaines de mètres. De grands refuges ont été créés pour protéger les hardes de caribous migrateurs. La banquise est habitée par des phoques, des morses et des ours blancs; lorsqu’elle se retire, plusieurs espèces de baleines migrent au large de la côte arctique.

2. Phénomènes naturels

Activité tectonique

L’activité sismique et volcanique est très importante dans le sud de l’Alaska. Les plaques continentales se rencontrent sous l’océan, immédiatement au sud des Aléoutiennes. La plaque du Pacifique s’étend vers le nord à la vitesse de quelques centimètres par an. En s’enfonçant sous la plaque d’Amérique qui, elle, se dirige vers le sud, elle forme la profonde tranchée sous-marine qui borde les Aléoutiennes. Il semble que la plaque du Pacifique glisse sous l’Alaska jusqu’à la région du mont McKinley avant de s’enfoncer profondément. Ce phénomène, qui a joué son rôle dans la formation des montagnes, est à l’origine des séismes et éruptions volcaniques.

Les cinquante-sept volcans recensés se trouvent presque tous sur les îles Aléoutiennes ou la péninsule d’Alaska. La majorité d’entre eux ont été actifs depuis 1760. L’éruption la plus importante des temps modernes a été celle du mont Katmai, en 1912; elle a transformé la région adjacente en un désert spectaculaire, appelé «vallée des 10 000 fumées».

Entre 1899 et 1965, on a enregistré soixante tremblements de terre d’une intensité supérieure à 7 sur l’échelle de Richter. L’activité sismique est particulièrement intense depuis les Aléoutiennes jusqu’au versant sud du mont McKinley. L’histoire récente de l’Alaska a été marquée par le très grave séisme du vendredi saint de 1964. D’une intensité de 8,5, il a provoqué la mort de cent trente et une personnes dans la région de Kodiak, Anchorage, Valdez et Seward.

Glaciers et permafrost

76 000 km2 de l’Alaska sont recouverts de glace, soit 5 p. 100 de la surface totale. La mesure est approximative: certains glaciers avancent ou régressent rapidement, et aucune recherche n’a encore été effectuée dans les régions difficiles d’accès. Les grands glaciers sont concentrés dans la région montagneuse du Sud-Est, jusqu’à la péninsule Kenai, et le long de la chaîne d’Alaska. Les glaciers de la chaîne Aléoutienne et des monts Brooks représentent moins de 10 p. 100 de la surface englacée. Le nord de l’Alaska, bien que très froid, est trop aride pour permettre l’accumulation sous forme de glace. Les glaciers de montagne et de vallée abondent en Alaska, mais les glaciers de piémont sont les plus caractéristiques; ils se forment lorsque plusieurs glaciers de vallée se rencontrent puis, au sortir de la vallée, s’étalent en une masse de glace en forme de lobe. Le glacier de Malaspina en est un bon exemple, avec son lobe de 2 000 km2.

Au nord du cercle polaire, de la chaîne de Brooks jusqu’au rivage arctique, le sol est partout gelé en profondeur (permafrost). Il ne dégèle que très superficiellement durant les mois d’été. Le permafrost est à l’origine de formes curieuses dans la plaine arctique. Les réseaux polygonaux, formés par l’alternance du gel et du dégel en surface et par l’infiltration des eaux pendant le court été, sont caractéristiques du nord de l’Alaska. Les pingos , lentilles de glace recouvertes de terre, forment des collines dont la hauteur atteint parfois quelques dizaines de mètres. Le permafrost est présent de manière discontinue dans tout le Centre et jusqu’au sud de la chaîne d’Alaska.

La banquise est permanente au nord du 72e parallèle. Elle ne se retire de la côte nord de l’Alaska que trois mois par an en moyenne. Au sud du détroit de Béring, la banquise hivernale peut s’étendre au maximum jusqu’à la baie de Bristol et aux îles Pribilof.

3. Climat

La côte sud de l’Alaska, du Panhandle aux Aléoutiennes, a un climat humide et frais, avec des écarts de température modérés. Au niveau de la mer, les températures estivales moyennes varient entre + 5 0C et + 15 0C; en hiver, elles descendent peu au-dessous de 0 0C. Le temps est toujours instable, souvent brumeux, et les tempêtes en mer sont fréquentes. En bord de mer, les précipitations varient localement de 1 500 mm à 4 000 mm par an, avec un maximum marqué en hiver, sous forme de neige. Le climat océanique favorise la croissance de forêts denses de conifères, jusqu’à une altitude de 800 m. Au-dessus, les précipitations sont encore plus abondantes et alimentent les zones d’accumulation des glaciers.

Les îles Aléoutiennes reçoivent un peu moins de précipitations, mais il peut y pleuvoir 250 jours par an; les vents y soufflent constamment et le soleil se montre rarement. En été, les îles sont vertes, mais on n’y trouve pas d’arbres. Les variations saisonnières de température sont très faibles, autour d’une moyenne annuelle à peine supérieure à 0 0C.

L’humidité diminue rapidement lorsqu’on s’éloigne des côtes vers les bassins au sud de la chaîne d’Alaska. Les différences de température entre les saisons sont plus marquées: de + 7 0C à + 24 0C en juillet, de 漣 7 0C à 漣 23 0C en janvier. À Anchorage, les températures moyennes sont de + 14 0C en été et de 漣 11 0C en hiver; les précipitations y atteignent 500 mm. Les forêts de feuillus font place en altitude à des prairies de type alpin.

L’intérieur de l’Alaska connaît un climat continental. Les précipitations sont faibles, avec un maximum marqué pendant les mois d’été. Elles atteignent 275 mm par an à Fairbanks. Les températures sont très contrastées, les moyennes atteignent de + 7 0C à + 24 0C en été et de 漣 23 0C à 漣 34 0C en hiver, mais on enregistre des extrêmes allant de + 35 0C à 漣 50 0C. La végétation est typiquement nordique, avec alternance de taïga, de toundra et de tourbières.

La zone de climat arctique s’étend de la chaîne de Brooks vers le nord. En raison de l’aridité (souvent moins de 200 mm de précipitations), la couverture neigeuse n’est jamais importante, même si elle n’est absente que quelques mois chaque année. À Barrow, le village le plus septentrional de l’Alaska, la température moyenne du mois de juillet est de + 4 0C. Le soleil, qui demeure au-dessus de l’horizon pendant presque trois mois à cette latitude, peut provoquer des accumulations d’énergie radiative qui élèvent brièvement la température. En janvier, les températures moyennes vont de 漣 20 0C à 漣 30 0C; elles sont donc moins rigoureuses que dans les zones centrales. La région, dépourvue d’arbres, est caractérisée par une toundra marécageuse en plaine et alpine sur les hauteurs.

4. Histoire

L’Alaska a joué un rôle très important dans le peuplement des Amériques. Lors des grandes glaciations pléistocènes, le niveau des mers s’est abaissé plusieurs fois, laissant à découvert un large pont de terre dans la région du détroit de Béring. C’est à pied sec que des groupes d’hommes venus d’Asie ont pénétré en Alaska, il y a de cela de 30 000 à 8 000 ans environ, pour se diriger ensuite vers le sud. Le nord de l’Alaska et de la Sibérie sont demeurés libres de glace tout au long de cette période; les hommes y chassaient le mammouth, le bison, le rhinocéros laineux, le cheval, le renne et autres gros gibiers dont on a retrouvé les squelettes. Les ancêtres des Eskimos et des Aléoutes sont arrivés à la fin de cette époque, et leurs cultures particulières, fondées sur la chasse aux mammifères marins, se sont développées sur place. Les Eskimos, par vagues successives, ont ensuite occupé le rivage arctique, jusqu’au Groenland, et les côtes de la Sibérie toute proche.

La découverte de l’Alaska est attribuée à Vitus Béring, un marin danois au service des Russes, qui l’atteignit en 1741. Il mourut l’hiver suivant, sur l’île qui porte aujourd’hui son nom, dans les Aléoutiennes russes. Sa tombe y a été retrouvée en 1991. Ce voyage fut le début d’une ruée vers les riches terrains de chasse des Aléoutiennes. Les trafiquants russes progressaient d’île en île, exterminant le gibier aussi bien que la population autochtone. Les Aléoutes survivants furent soumis à un quasi-esclavage.

En 1784, les Russes construisent un premier établissement sur l’île Kodiak. Quinze ans plus tard, une charte de l’empereur de Russie établit le monopole de la Compagnie russe d’Amérique en Alaska. Le premier gouverneur de la Compagnie en Amérique, Alexandre Baranof, qui y demeure de 1790 à 1818, marque les premières années d’expansion de sa personnalité énergique, voire brutale. Utilisant la main-d’œuvre aléoute, il construit Sitka; il rencontre une forte résistance de la part des Indiens Tlingit, mais finit par y établir sa capitale en 1807. À son départ, les affaires de la Compagnie sont florissantes, les Russes possèdent un comptoir en Californie et ont même des vues sur Hawaii. La présence russe en Amérique n’excédera toutefois jamais quelques centaines d’individus. Leurs incursions vers le nord de l’Alaska demeurent limitées.

Dès 1840, les profits de la Compagnie se mettent à décliner et les Russes prennent conscience, surtout après l’échec de la guerre de Crimée, du fait qu’ils ne pourraient défendre leur colonie en cas d’expansion des États-Unis vers le nord. En 1867, ils se résolvent à vendre leur possession aux États-Unis, pour 7,2 millions de dollars. Le secrétaire d’État William Seward parvient de justesse à obtenir l’accord du Congrès pour cet achat.

Jusque vers la fin du XIXe siècle, les États-Unis demeurent indifférents au sort de l’Alaska. Ce sont les ruées vers l’or qui désenclavent le pays. La ruée du Klondike en 1897, au Canada tout proche, a été suivie d’un reflux vers les gisements aurifères de l’Alaska. De 430 habitants en 1880, et quelques milliers en 1890, la population non autochtone passe à 30 000 en 1900. En 1912, les États-Unis confèrent à l’Alaska le statut de Territoire. De la Première Guerre mondiale au début des années 1930, la population n’augmente pas et l’économie stagne. L’extraction industrielle d’or et de cuivre, la pêche et les conserveries de poisson fournissent alors l’essentiel du revenu du Territoire. En 1935, le gouvernement inaugure un programme d’agriculture dans la vallée de la Matanuska, près d’Anchorage. En 1942, les Japonais occupent deux des îles Aléoutiennes. Ils en sont refoulés l’année suivante. L’armée envoie un fort contingent et entreprend de grands travaux pour protéger le territoire: construction de ports, d’aérodromes et d’une route reliant Fairbanks aux États du Sud, via le Canada.

Au cours de la guerre froide, l’Alaska joue un rôle stratégique d’avant-poste, et la présence de l’armée y demeure importante. En 1959, l’Alaska devient le quarante-neuvième État des États-Unis. L’histoire récente est marquée par la découverte et l’exploitation du pétrole sur la côte arctique, le règlement de la question autochtone et les problèmes d’attribution et d’utilisation du territoire.

5. Peuples autochtones

L’arrivée de Blancs au XVIIIe siècle a inauguré une ère de grands changements pour les peuples déjà établis en Alaska. On ne connaît pas exactement l’importance de la population au moment du contact; elle atteignait peut-être 80 000 habitants. Les autochtones ont été décimés par les mauvais traitements, les famines consécutives à l’extermination du gibier par les étrangers, les épidémies et parfois les massacres. En 1890, ils n’étaient plus que 25 000. Leur population atteignait le chiffre de 30 000 habitants en 1930: ils représentaient alors la moitié de la population totale de l’Alaska. Ils sont actuellement 80 000 environ et représentent 16 p. 100 de la population.

Lors du traité de vente aux États-Unis en 1867, on ne leur reconnaissait encore aucune existence légale. Sous l’administration américaine, l’éducation réprima longtemps l’usage des langues vernaculaires. On assiste depuis 1970 à une renaissance de certains de ces idiomes, et un centre pour l’étude des langues autochtones a été créé à l’université de l’État, à Fairbanks.

Les indigènes ont progressivement acquis les mêmes droits que les autres citoyens, l’enseignement est devenu bilingue, et, en 1971, un règlement historique est intervenu avec le gouvernement fédéral.

Il rendait aux autochtones 10 p. 100 du territoire de l’Alaska et offrait près d’un milliard de dollars en compensation de l’extinction des droits sur le reste des terres ancestrales. La gestion de l’argent et le choix des terres ont été confiés à des corporations autochtones créées pour la circonstance. Les douze corporations régionales qui couvrent le territoire de l’Alaska fonctionnent selon le modèle des entreprises américaines, inadapté aux structures sociales des Indiens et des Eskimos.

Un cinquième des autochtones vivent dans les centres urbains. Mais la plupart désirent continuer à pratiquer leur mode de vie traditionnel et restent très attachés à la terre qui les fait vivre. Une nouvelle société émerge peu à peu, qui doit trouver un équilibre fragile entre le capitalisme et des valeurs ancestrales.

Les Aléoutes sont apparentés aux Eskimos. Ils exploitaient les ressources de la mer et vivaient dans de grandes maisons que plusieurs familles se partageaient. Leurs kayaks étaient conçus pour affronter les eaux dangereuses qui entourent leurs îles. «Alaska» est un mot emprunté à leur langue, qui veut dire «la grande terre». Ce sont eux qui ont le plus souffert de la présence russe: leur nombre, qui selon les estimations était de 15 000 à 25 000 au moment du contact, n’était plus que de 2 000 un siècle plus tard. Des missionnaires russes, arrivés à la fin du XVIIIe siècle, ont contribué à adoucir le sort des survivants et les ont convertis à la religion orthodoxe. 3 000 Aléoutes vivent maintenant concentrés sur un petit nombre d’îles, pratiquant toujours la chasse et la pêche en mer.

Les conditions de vie des Eskimos étaient plus variées, moins rigoureuses, que dans l’Arctique canadien ou groenlandais. Ils n’ont jamais vécu dans des iglous, mais dans des maisons de pierre, de terre et de bois semi-souterraines. La culture eskimo est tout entière tournée vers la chasse aux mammifères marins, phoques, morses et même baleines, qui étaient poursuivies en umiak , grandes barques recouvertes de peaux. Les Nunamiut de l’Arctic Slope font exception: ils vivent à l’intérieur des terres et chassent le caribou.

Les quelque 35 000 Eskimos d’Alaska font partie de deux groupes linguistiques. La North Slope et la péninsule de Seward sont habitées par les Inupiat chasseurs de baleines, qui forment la branche occidentale du grand groupe inuit s’étendant jusqu’au Groenland.

Les autres, qui se disent Yupik, parlent des dialectes fort différents. Ceux de l’île Saint Lawrence sont apparentés aux Eskimos de Sibérie toute proche plutôt qu’aux autres Yupik d’Alaska.

Les Indiens du centre de l’Alaska font partie du groupe athapascan, que l’on trouve au Canada et jusqu’au sud des États-Unis. Traditionnellement, ils vivaient de chasse et de pêche en rivière. Ils se déplaçaient beaucoup à la recherche de gibier; en conséquence, leur organisation sociale était fluide et peu hiérarchisée. Les canots en été et les raquettes en hiver étaient leurs principaux moyens de déplacement.

Les Indiens qui vivent dans la région du Panhandle, dans le Sud-Est, se sont, semble-t-il, établis là peu avant l’arrivée des Européens, et ils poursuivirent leur expansion vers le nord le long des côtes. Les Tlingit forment le groupe le plus important. Au sud de leur territoire, sur les îles proches de la frontière canadienne, vivent les Haïda et les Tsimshian.

L’abondance des ressources, surtout du saumon, a permis à ces Indiens d’élaborer des sociétés complexes et un art spectaculaire. Ils sont connus surtout pour leurs grands totems et l’institution du potlatch , qui consiste en une destruction de richesses accumulées en vue d’obtenir un prestige social. Ils vivaient dans de grandes bâtisses pouvant contenir jusqu’à douze familles. Ils étaient les seuls indigènes d’Alaska à amasser des richesses personnelles, à pratiquer systématiquement l’esclavage et à avoir un système social très hiérarchisé.

6. Démographie et société

Dès 1989, la population dépasse 530 000 habitants, alors qu’elle atteignait 401 851 habitants au recensement de 1980 et 300 382 en 1970. Cet accroissement extraordinaire résulte d’une forte immigration, en provenance du reste des États-Unis surtout. La ville d’Anchorage, avec son environnement immédiat, comptait 227 000 habitants en 1984, soit 44 p. 100 de la population totale de l’État. Une partie importante vit dans le Sud-Est, où se trouve la capitale, Juneau (26 000 hab.). Un troisième centre de population est constitué par Fairbanks (50 000 hab.). Pour le reste, la population est très dispersée. Malgré la forte croissance démographique, la densité moyenne n’excède pas 1 habitant pour 3 km2.

Depuis son accession au statut d’État en 1959, l’Alaska est administré par un gouvernement élu directement. Le Parlement est composé de quarante représentants élus pour deux ans, et de vingt sénateurs dont le mandat est de quatre ans. Le gouverneur, élu tous les quatre ans, est le chef de l’exécutif. Sur le plan fédéral, l’Alaska est représenté à Washington par deux sénateurs et un membre de la Chambre des représentants.

Les taxes sur le pétrole ont multiplié les revenus de l’État, diminuant ainsi sa dépendance envers les subventions fédérales. La dépense publique per capita était la plus élevée des États-Unis au début des années 1980, mais elle a beaucoup diminué depuis 1986.

L’attribution du territoire et le rythme du développement des ressources sont encore les enjeux majeurs des débats concernant l’Alaska. Le gouvernement fédéral possède 60 p. 100 du territoire. L’État, en vertu de l’acte qui lui a donné naissance en 1959, a droit à 400 000 km2, soit 28 p. 100. Le règlement de 1971 a rendu aux autochtones plus de 10 p. 100 de la surface de l’État. Les terrains appartenant à des particuliers ne représentent que 0,3 p. 100 de la superficie.

Le système d’affectation des terres fédérales dépend de divers organismes et demeure assez complexe. Les forêts nationales de Tongass et Chugach, dans le Sud-Est et le Centre-Sud, couvrent ensemble 84 000 km2. Les premiers parcs nationaux de l’Alaska (ceux de Katmai, de Glacier Bay et du mont McKinley) ont été créés vers 1920 déjà, et leur superficie atteint environ 30 000 km2. En 1978, la surface des parcs (ou Monuments , ainsi qu’ils sont désignés) a été augmentée, par décret présidentiel, de 227 000 km2.

7. Économie et transports

Le développement de l’Alaska est caractéristique d’une économie jeune: à des périodes de croissance explosive succèdent des temps de stagnation et de reflux. Les expansions économiques et démographiques ont été causées par le commerce des fourrures, ensuite par les ruées vers l’or, puis par les dépenses militaires, enfin par l’exploitation du pétrole. Les ressources minières sont considérables, et à peine entamées. Le mode de vie des populations autochtones repose largement sur les activités de subsistance: chasse, pêche et cueillette. Le niveau des prix est plus élevé qu’ailleurs aux États-Unis, les salaires également. Le coût des transports constitue un obstacle important au développement.

Secteurs économiques

La pêche commerciale s’est développée à la fin du XIXe siècle, lorsque les premières conserveries ont été construites. Malgré des périodes difficiles (raréfaction des poissons ou engorgement des marchés mondiaux), la pêche a fourni la source de revenu la plus constante. Les eaux du golfe d’Alaska sont très riches en saumons et en crabes.

Les forêts humides du Sud-Est, particulièrement les immences forêts nationales de Tongass et Chugach, sont exploitées. Une partie du bois est transformée en pulpe avant d’être exportée.

Les ressources minières sont variées. Le coût élevé des transports a découragé jusqu’à maintenant leur exploitation à grande échelle, mais elles constituent une réserve importante pour l’avenir du pays. Le cuivre a été exploité et demeure abondant. L’extraction d’or a beaucoup décliné depuis la Seconde Guerre mondiale.

L’agriculture et l’élevage sont pratiqués à proximité des centres urbains d’Anchorage et de Fairbanks. La surface cultivée est très faible, mais elle pourrait être considérablement augmentée. Les terres arables ne manquent pas dans les zones centrales; les étés y sont courts, mais chauds et très ensoleillés. Les pommes de terre et le foin forment l’essentiel du revenu, mais on cultive aussi des céréales et tous les légumes de climat frais. Un tiers du revenu agricole provient de l’élevage. L’Alaska doit importer une bonne partie de ses denrées alimentaires, ce qui contribue à élever le niveau des prix.

Des rennes domestiques ont été importés de Sibérie au début du siècle, mais les premiers essais ne furent pas concluants. Les Eskimos de la péninsule de Seward et de l’île Nunivak en possèdent environ 25 000. Outre la viande, les peaux sont utilisées, et les bois, qui peuvent être récoltés chaque année sans nuire à l’animal, sont vendus en Extrême-Orient où leurs vertus médicinales sont appréciées.

Les fourrures ne forment plus qu’une petite part du revenu de l’Alaska. L’abattage annuel de phoques à fourrure dans les îles Pribilof, strictement contrôlé, y contribue pour plus de la moitié.

L’extraction à grande échelle de pétrole et de gaz naturel a commencé en 1961 dans la péninsule Kenai. Elle se poursuit dans cette région, ainsi qu’au large des côtes, dans le golfe de Cook. La découverte la plus importante est celle du gisement de Prudhoe Bay, sur le littoral de la mer de Beaufort, en 1968. Le potentiel de cette région est estimé à 10 milliards de barils, plus du quart des réserves des États-Unis. Depuis 1977, le pétrole de l’Arctique est acheminé jusqu’au port de Valdez, dans le golfe d’Alaska, par un oléoduc long de 1 280 km.

Actuellement, 85 p. 100 du revenu de l’Alaska provient de l’or noir. La production annuelle est passée de 6,3 millions de barils en 1961 à 169 millions en 1977, et à 730 millions en 1989. La valeur du gaz naturel extrait ne représente qu’une fraction de celle du pétrole. En raison des méthodes d’extraction, particulièrement au large des côtes, et du coût des transports, le prix de revient du pétrole de l’Alaska est élevé, et les revenus particulièrement sensibles aux fluctuations des prix sur le marché mondial.

Après le pétrole, c’est le tourisme qui rapporte le plus à l’Alaska. Le nombre de visiteurs approche, à la fin des années 1980, 700 000 par an.

Depuis 1940, le gouvernement fédéral a beaucoup contribué au développement de l’Alaska, particulièrement sous forme de dépenses militaires. L’armée a doté le pays d’un réseau de routes, aérodromes et ports que l’État seul, faute de ressources fiscales adéquates, n’aurait pu financer. Récemment, les revenus du pétrole ont permis d’améliorer les prestations publiques tout en réduisant la pression fiscale sur les individus. Le gouvernement, à tous les échelons, est de loin le plus grand pourvoyeur d’emplois: directement ou indirectement, il fait vivre 40 p. 100 de la population.

Les régions «rurales», où la dépense publique représente 62 p. 100 de l’économie (33 p. 100 dans les villes), ont été particulièrement sensibles à la réduction de cette dépense dès 1986, et ce d’autant plus que les différences de revenu personnel entre ville et «brousse» sont de l’ordre de 1 à 3.

Transports

L’«Alaska Highway», construite par l’armée en 1942, relie Fairbanks au reste des États-Unis en passant par le Canada. Un embranchement mène à Haines, seule localité de la région Sud-Est accessible par la route. De Fairbanks, deux routes permettent d’atteindre Anchorage et les bassins au sud de la chaîne d’Alaska, et une troisième dessert la région de Prudhoe Bay; cette dernière sert surtout à l’entretien de l’oléoduc et est interdite au public. Le réseau routier est complété par une «autoroute maritime», composée de deux systèmes de ferry-boats, l’un fonctionnant dans la région Sud-Est, l’autre reliant quelques ports de la région Centre-Sud.

Il existe deux lignes de chemin de fer. L’une date de la ruée vers l’or au Yukon, et elle relie Skagway à Whitehorse au Canada. L’autre, la ligne Seward-Anchorage-Fairbanks, a été achevée en 1923.

Le trafic aérien à Anchorage atteint un million de passagers par an. Cette ville est reliée aux métropoles nord-américaines; au début des années 1990, elle commence à perdre sa fonction de plaque tournante du trafic aérien entre l’Europe et l’Extrême-Orient. L’Alaska compte un millier d’aérodromes, pistes «de brousse» et bases d’hydravions. Les services réguliers sont nombreux, même dans les régions les moins peuplées, mais on peut aussi louer des avions-taxis. Le nombre d’aéronefs par rapport à la population est dix fois plus élevé que la moyenne américaine.

Alaska
état des È.-U., situé à l'extrémité N.-O. du continent amér.; 1 518 775 km²; 550 000 hab.; cap. Juneau; v. princ. Anchorage. Cette grande presqu'île comprend au N. la chaîne de Brooks (2 816 m), au centre la vallée du Yukon, au S. la chaîne de l'Alaska (6 887 m au mont McKinley). La population vit sur la côte S., où le climat est plus doux. Les ressources minières sont import.: or, argent, cuivre, houille; gisements de pétrole et de gaz, considérables, surtout exploités depuis 1968 (en 1989, marée noire).
En 1867, les È.-U. achetèrent aux Russes l'Alaska, qui devint le quarante-neuvième état de l'Union en 1958.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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